dimanche 9 octobre 2011

Shirin Ebadi à Uppsala

Shirin Ebadi, prix Nobel de la paix en 2003 a donné une conférence hier soir à l'Université d'Uppsala. Evidemment, je ne pouvais pas rater ça !

Pour ceux qui auraient besoin d'une petite remise en contexte :
Elle a une formation en droit qui lui a permis de devenir la première juge iranienne en 1974. Après la révolution islamique, 5 ans plus tard, elle a été obligée d'abandonner son poste et s'est "convertie" en avocate. Depuis, elle a toujours oeuvré pour la défense du droit des femmes, des enfants et des dissidents.
Elle a reçu le prix Nobel de la Paix en hommage à son combat pour les droits de l'homme en Iran. Elle faisait déjà l'objet de répression de la part du gouvernement iranien avant d'avoir reçu son prix Nobel. Depuis, sa situation est encore plus critique.


La conférence avait lieu dans le hall d'honneur du bâtiment principal de l'Université.
Quand Mme Ebadi est entrée, elle a eu le droit à une ovation. La salle était pleine à craquer.
Après une très courte introduction de la part du Doyen de la faculté de droit et la chorale de la Nation Västgöta, elle a pris la parole.
Elle s'est exprimée en persan et une traductrice nous a délivré la traduction. Fun fact : beaucoup d'iraniens étaient dans la salle donc à certains moments, une clameur et des applaudissements arrivaient "en avance" de la part de certains. Les non persophones n'attendaient qu'une chose : la traduction pour pouvoir applaudir !

Shirin Ebadi a pris comme point de départ le printemps arabe pour nous offrir une conférence sur les droits de l'homme.
Selon elle, le printemps arabe n'a pas encore eu lieu. Ce n'est pas parce que les peuples se sont débarrassés de dictateurs qu'ils ne tomberont pas sur pire. Elle a rappelé la révolution iranienne qui a écarté le Shah alors considéré comme un dictateur pour être remplacé par le régime que l'on connait depuis.
Elle a rappelé qu'aucun pays ne peut se réclamer démocratique si il prive la moitié de sa population de ses droits les plus fondamentaux. Elle a exprimé des doutes importants sur l'avenir des droits de la femme dans ses pays qui commencent à flirter avec des partis religieux qui comptent réinstaurer la charia comme base législative.
Pour elle, il ne faut pas uniquement se focaliser sur le fait d'organiser des élections mais d'abord leur donner le temps de se demander et de débattre du contrat de société qu'ils veulent mettre en place et notamment du point de vue de la situation des femmes.
Elle a réaffirmé que pour elle le printemps arabe aura lieu le jour où les femmes obtiendront l'égalité.

Hier, c'était aussi la journée internationale des droits de l'enfant. Elle en a profité pour rappeler qu'en Iran, l'âge de responsabilité criminelle est fixé à 9 ans chez les filles et 15 ans chez les garçons. A partir de cet âge là, ils sont considérés par la justice comme des "adultes". Cela fait de l'Iran un des pays où il y a le plus d'exécutions d'enfants au monde.

Mais la loi iranienne n'est pas seulement injuste pour les enfants. Elle l'est aussi envers les femmes :

  • La valeur pécuniaire de la vie d'une femme est deux fois moindre que celle d'un homme
  • Il faut 2 témoignages de femmes pour 1 d'homme
  • Les hommes ont le droit à 4 femmes qu'ils peuvent répudier tandis que les femmes ont le plus grand mal à obtenir le divorce
Elle a rappelé que ces lois sont apparues après la révolution de 1979. La révolution iranienne, loin d'avoir été une avancée a été un recul. Selon elle, la principale cause est la culture patriarcale dont les femmes sont les victimes...mais aussi les créatrices.

Pour elle, la condition nécessaire à une avancée est la séparation de l'église et de l'Etat mais aussi la formation des femmes. Et notamment sur l'Islam. C'est indispensable pour que celles ci se rendent comptent que ce qu'on leur impose au nom de l'Islam n'est que le résultat de la manipulation de la religion par le gouvernement.
La loi islamique ne peut être utilisée comme telle dans nos sociétés actuelles. Elle a rappelé que la justice est dynamique et que ses modalités doivent évoluer avec la société.

Elle a utilisé le concept du village global pour nous renvoyer à nos actions de pays occidentaux. Les sanctions qui doivent être prises contre l'Iran ne doivent être ni économiques ni militaires. Cela ne ferait que fragiliser une fois de plus la population et n'aurait aucun impact sur les dirigeants bien à l'abris. Les sanctions doivent donc être politiques.
  • Au niveau universitaire, il faut traduire les écrits des musulmans progressistes et leur donner la parole pour leur donner du poids face aux fondamentalistes
  • Au niveau politique, il faut arrêter de recueillir les dictateurs retraités ou leurs actifs financiers
  • Au niveau commercial, il faut empêcher les grandes entreprises, fiertés nationales, de s'engager dans du commerce sale avec ces gouvernements. Elle donnait l'exemple d'Ericsson (entreprise suédoise) qui a fourni des logiciels permettant de contrôler les messages et les appels passés avec des téléphones portables au gouvernement. Mais aussi les chaines de la BBC et de CNN qui auraient sur demande du président arrêté de diffuser en Iran suite aux manifestations après les élections.

Madame Ebadi a ensuite pris le temps de répondre aux nombreuses questions des participants. Elle a notamment conseillé aux jeunes iraniens : ne vous retournez pas vers le passé, regardez vers le futur ! Elle a dénoncé les futures élections législatives qui auront lieu en 2012.

Elle a terminé son intervention par un souhait :

Long live friendship among nations ! 
زنده باد دوستی میان ملت ها!



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